A l'occasion du "Meat Out Day" (Journée Mondiale sans Viande) qui a lieu chaque année le 20 mars, je vous propose un petit tour des arguments critiquant l'alimentation végé (c'est-à-dire végétarienne, vegan ou végétalienne), en y apportant mes réponses et donc des pistes sur comment répondre aux débats quand on est vegan.
L'idée n'est pas d'indiquer précisément quoi manger au végé - ce qui nécessiterait une consultation pour répondre en fonction des besoins de chacun-e - mais de les aider à répondre aux personnes qui critiquent cette alimentation.
1. Les vegan sont carencés en protéines
Avant de pouvoir répondre à cette question, il est indispensable de comprendre ce qu’est une protéine. Une protéine est une molécule composée d'un ensemble d'acides aminés. Ceux-ci constituent donc l'unité de base de la protéine (vingt acides aminés = une protéine). Sur ces vingt acides aminés, huit sont indispensables car notre corps ne sait pas les fabriquer. C'est comparable à un collier (= une protéine) qui contiendrait huit perles (= acides aminés) uniques indispensables pour que celui soit achevé (sachant que d'autres perles seront aussi présentes). Sans ces huit acides aminés essentiels (leucine, tryptophane, lysine, tyrosine, phénylalanine, valine, méthionine, isoleucine), impossible de faire aboutir la fabrication d'une protéine.
Ainsi tous les végétaux contiennent ces huit acides aminés, mais pas toujours en quantité suffisante pour que le "collier" soit complet. Cependant, en consommant des aliments variés au cours de la journée, en alternant céréales et légumineuses (pas obligatoirement au cours du même repas), on obtient cette diversité du profil en acides aminés.
En cas de carence avérée, on constate une fonte musculaire, qui est le signe d'une dénutrition.
2. L'espèce humaine est omnivore
Avoir la capacité de manger de tout ne signifie pas qu'il faut manger de tout.
On cherche dans l'alimentation une certaine diversité nutritionnelle et non pas un ou des aliments en particulier. C'est d'ailleurs justement parce que l'on est omnivore, que l'on peut digérer à la fois les nutriments des produits d'origine animale, mais aussi ceux contenus dans les végétaux.
Et les végétaux contiennent tous les nutriments nécessaires pour être en bonne santé, à l'exception de la vitamine B12 (c'est une vitamine participant notamment au fonctionnement normal de notre système nerveux). Ainsi, une alimentation végétale complémentée en vitamine B12 et équilibrée est tout à fait adéquate pour l'espèce humaine.
3. Il faut se complémenter en vitamine B12 : ce n'est pas naturel
Sans prétendre entrer dans le débat idéologique du concept de "nature", je répondrai seulement que celle-ci n'est pas un idéal à atteindre. Ce n'est pas parce qu'une chose est naturelle qu'elle est bonne pour nous.
Aussi, l'alimentation de la population non végé n'est pas exempte d'une complémentation quotidienne. Par exemple le sel de table contient souvent de l'iode afin d'éviter une carence. C'est en effet un micronutriment contenu essentiellement dans les produits marins, et qui participe à la régulation de notre métabolisme. Les femmes enceintes, quant à elles, sont systématiquement supplémentées en fer et vitamine B9 1 lors de leur grossesse sans que cela soit critiqué. Et tant mieux car la complémentation peut être vitale. D'autant plus lorsque l'on supprime tout ou partie des produits animaux de notre assiette.
4. Je connais quelqu'un qui a arrêté parce qu'il/elle était carencé(e)
Oui il est possible d'être carencé-e en ayant une alimentation vegan. De la même manière qu’il est possible d’être carencé avec tous les modes d’alimentation. Ce sont les habitudes alimentaires qui conduisent au déséquilibre, et non le régime lui-même. Le déséquilibre peut également venir d’une pathologie induisant une malabsorption.
Les personnes qui transitionnent vers une alimentation végé / vegan ont parfois tendance à inclure une part très importante de légumes dans leur alimentation sans remplacer les produits d'origine animale par des équivalents végétaux. Très basiquement, une assiette végé équilibrée contient pour moitié des céréales et/ou des légumineuses, une source de lipides comme de l'huile d'olive, des légumes, et un fruit en dessert. Encore une fois c'est très schématique car l'équilibre alimentaire se fait sur plusieurs jours et non sur un seul repas.
5. Devenir végane c'est restreindre son alimentation / c'est pas bon / c'est manger des produits transformés
Sur le plan logique, oui on "restreint son alimentation" puisque l'on exclut des produits d'origine animale. Cependant, une alimentation végé peut être très diversifiée en consommant :
- des céréales sous toutes leurs formes (avoine, blé, boulgour, couscous, épeautre, orge, quinoa, riz, pain, pâtes...),
- des légumineuses (haricots secs, soja, fèves, lentilles, pois chiches...),
- des oléagineux (divers types de noix (pécan, cajou, macadamia), noisettes, amandes, pistaches, pignons de pin, graines de sésame...),
- des légumes (aubergines, asperges, brocolis, betteraves, artichauts, carottes, céleri, concombres, choux - choux blanc, choux rouge, chou vert, choux de Bruxelles, chou-fleur - navets, panais, pommes de terre...),
- des algues,
- des champignons,
- des fruits (abricots, avocats, groseilles, cassis, ananas, bananes, cerises, citrons, clémentines, dattes, framboises, kiwi, melon, myrtilles, pommes, raisins...),
- différents types d'huile (olive, lin, colza...),
- de nombreuses herbes aromatiques (basilic, canelle, menthe, persil, thym...).
- Mais aussi des produits laitiers et des oeufs pour celles et ceux qui en consomment.
Lorsque l'on transitionne il faut prendre de nouveaux repères culinaires. Il y a une petite courbe d'apprentissage pour maîtriser la gastronomie végétale, mais il n'y a pas besoin de passer ses journées dans un livre de cuisine pour pouvoir déguster un bon repas.
Concernant les produits transformés, certaines personnes en font leurs aliments principaux par manque de temps pour cuisiner, à cause d'une certaine charge mentale, ou bien parce qu'elles ont peu de connaissances nutritionnelles.
Mais ce n'est pas une fatalité, et, encore une fois, cela n'est pas inhérent aux alimentations végé : les personnes consommant des produits d'origine animale sont également concernées. De plus, comme nous venons de le voir, l’alimentation vegan peut être extrêmement diversifiée.
6. On ne va plus pouvoir manger ensemble
Considérer les choses ainsi revient, me semble-t-il, à dire que la base d'une alimentation végétale est totalement différente de celle d'une diète incluant des produits d'origine animale. Il serait pourtant plus approprié de considérer que la base d'un repas comprend des légumes, des céréales/des légumineuses, un fruit, auquel il est possible d'ajouter des produits d'origine animale. Les produits d'origine animale devraient à mon sens être pensés en tant que compléments de cette base (si tant est qu'ils soient consommés).
C'est pourquoi je ne vois pas pourquoi les non végé et les végé ne devraient plus se réunir autour de la même table.
7. Être vegan c'est prise de tête
Ça peut l'être, du moins au début. Il faut se créer de nouvelles habitudes, et ce n'est pas toujours facile quand on n'y connaît pas grand-chose. Mais ce sont de nouvelles habitudes bien plus faciles à acquérir lorsque l'on est entouré de personnes qui acceptent nos choix.
A mon sens, il y a deux grands freins à l'adoption d'une alimentation plus végétale sur le long terme : le regard de son entourage sur soi (et l'importance que l'on accorde à ce regard), mais également l'accompagnement médical. Les médecins qui suivent une formation classique et ne sont donc pas "médecins nutritionnistes" ne sont formé-e-s que durant quelques heures à la nutrition. Ils/elles ne sont donc pas du tout qualifié-e-s sur le domaine de la nutrition végétale.
Mon conseil est de rejoindre des groupes en ligne pour s'entourer d'une communauté et se sentir soutenu-e dans sa démarche. Il est également important de se renseigner sur des sites sérieux pour disposer de bonnes bases. Bien sûr l'idéal est de consulter un-e professionnel-le de santé qualifié-e pour vous accompagner.
8. Être vegan ça coûte cher
Tout dépend du type de produits achetés. Si l'on achète des produits peu transformés, alors il est moins cher de se baser sur une alimentation végétale.
Si le temps est une contrainte, il est possible de trouver certaines astuces pour cuisiner équilibré sans prendre trop de temps. C'est par exemple le cas de la technique des "meal prep" qui consiste à préparer de gros volumes de nourriture sur quelques heures en une journée pour avoir des repas pour toute la semaine.