Le principal inconvénient du carburant hydrogène et son impact sur l’énergie verte
Le chiffre dérange, et pourtant il s’impose : l’hydrogène affiche aujourd’hui un rendement énergétique qui dépasse rarement les 30 % du puits à la roue. Malgré les milliards injectés et l’élan politique, la filière continue de perdre beaucoup trop d’énergie à chaque étape, de la production au volant.
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L’hydrogène carburant : entre ambitions et obstacles techniques
Sur le papier, l’hydrogène a tout du candidat idéal pour réinventer notre rapport à l’énergie : il est abondant, léger, n’émet ni CO₂ ni particules lors de sa consommation, que ce soit brûlé ou via une pile à combustible. Cette image séduit industriels et responsables publics, en France comme à Bruxelles. On mise gros sur l’électrolyse de l’eau pour fournir un hydrogène propre, en particulier pour les secteurs difficiles à décarboner, comme le transport lourd ou l’industrie. Hyundai, Toyota et d’autres mettent déjà sur le marché leurs véhicules à hydrogène, Nexo, Mirai, qui promettent de rouler sans polluer.
Mais les lois de la physique ne plient pas devant l’enthousiasme. Produire de l’hydrogène réclame énormément d’électricité. Si l’électricité vient du renouvelable, l’équation pourrait fonctionner. Or, la réalité est moins reluisante : la majorité de l’hydrogène mondial provient toujours du vaporeformage du gaz naturel, loin d’être neutre en carbone. Le passage à une production réellement verte se heurte à la disponibilité limitée des renouvelables et à leur coût encore élevé, sans parler des pertes d’énergie à chaque phase de la chaîne : fabrication, stockage, transport, reconversion en électricité.
Certes, la voiture à hydrogène fait rêver par son autonomie et sa rapidité de recharge, comparée aux batteries lithium-ion. Mais à chaque transformation, de l’électricité à l’hydrogène, puis retour à l’électricité dans la pile, une part significative de l’énergie s’évapore. L’hydrogène carburant continue ainsi de courir après l’efficacité. Pour que ce vecteur gagne sa place durablement, il lui faudra une production plus verte et un usage mieux ciblé, face à la concurrence féroce des véhicules électriques à batterie, qui occupent déjà le terrain sur les routes européennes.
Le principal frein : une efficacité qui s’étiole en chemin
Ce qui bloque vraiment l’essor du carburant hydrogène, c’est la perte d’énergie tout au long de son parcours. Pour comprendre l’ampleur du problème, il faut observer la succession de transformations : électrolyse, compression ou liquéfaction, transport, stockage, puis restitution dans la pile à combustible. Chacune de ces étapes grignote une partie de l’énergie initiale.
Les chiffres de l’Agence internationale de l’énergie sont éloquents. À la sortie, moins de 30 % de l’électricité utilisée parviennent jusqu’aux roues d’un véhicule à hydrogène. À titre de comparaison, une voiture électrique classique dépasse facilement les 70 %. Ce différentiel pèse lourd, en particulier pour les voitures particulières et les utilitaires légers, où la bataille de l’efficacité fait rage.
À cela s’ajoute une autre difficulté, souvent sous-estimée : le manque d’infrastructures. Les stations de recharge hydrogène se comptent sur les doigts d’une main dans de nombreux pays, France comprise. Installer un point de distribution coûte plusieurs millions d’euros, un investissement difficile à rentabiliser tant que la demande reste faible. Stocker de l’hydrogène sous forme liquide ou comprimée suppose aussi de relever des défis logistiques et sécuritaires, notamment face à l’inflammabilité du gaz et au risque d’explosion.
La question de la sécurité n’est pas anodine : professionnels et particuliers hésitent encore à faire confiance à une technologie qui exige des protocoles stricts, des formations spécifiques et une adaptation du cadre réglementaire. Tant que la filière n’aura pas gagné en maturité, elle devra composer avec une méfiance persistante et des coûts de déploiement élevés.
Hydrogène et environnement : promesse verte ou faux-semblant ?
L’impact environnemental du carburant hydrogène ne supporte pas les raccourcis. Certes, lors de son utilisation dans une pile à combustible, il n’émet que de l’eau sous forme de vapeur et de l’électricité. Mais tout se joue en amont, dans la façon dont cet hydrogène est produit.
Actuellement, moins de 5 % de l’hydrogène mondial est obtenu à partir de procédés bas carbone. Dans l’immense majorité des cas, il est fabriqué à partir de gaz naturel, via le vaporeformage, un procédé particulièrement émetteur de CO₂. Résultat : l’hydrogène gris, celui qui domine largement le marché, ne fait qu’alourdir le bilan carbone global. L’hydrogène bleu, qui tente de limiter les dégâts grâce à la capture partielle du carbone, n’élimine pas pour autant les émissions. Quant à l’hydrogène vert, obtenu par électrolyse de l’eau alimentée en électricité renouvelable, il reste pour l’instant marginal, freinée par son coût et la disponibilité des sources renouvelables.
Pour mieux comprendre les différences entre les types d’hydrogène, voici un rappel des principales catégories :
- Hydrogène gris : produit à partir de gaz naturel, il génère un fort impact carbone.
- Hydrogène bleu : une solution intermédiaire, qui dépend du captage du carbone lors de la production.
- Hydrogène vert : issu de l’électrolyse alimentée par des énergies renouvelables, il reste encore très minoritaire mais représente le véritable tournant écologique à atteindre.
Si l’on veut que l’hydrogène tienne vraiment ses promesses pour la transition énergétique, il faudra transformer la manière dont il est produit, en misant massivement sur les énergies renouvelables pour alimenter l’électrolyse. Tant que la filière restera dépendante des énergies fossiles, l’hydrogène ne pourra qu’avancer masqué, entre ambitions affichées et réalité du terrain.
Au final, l’hydrogène attire par ses promesses, mais la physique et l’industrie rappellent à l’ordre. Tant que l’énergie dépensée pour l’obtenir dépasse ce qu’il rapporte, la transition verte reste à inventer. Face à la course engagée entre batteries et pile à combustible, une question s’impose : qui prendra vraiment la route du futur ?
